L’enfant, le sport et les idées reçues

Sommaire

Un petit article sur la croissance de l’enfant. Il n’est là que pour me soulager : marre d’entendre des âneries quand le bon sens populaire (la bêtise populaire) parle de risques de croissance pour l’enfant lorsqu’ils pratiquent la musculation et à fortiori le CrossFit.

La Croissance, c’est quoi ?

Déjà, commençons par définir la croissance, car l’immense majorité des personnes mettant cela en avant pour la dangerosité d’un sport ne savent même pas ce qu’est la croissance… il n’en ont qu’une vague idée récoltée via de vagues souvenir de SVT au collège et des heures d’attentes chez le coiffeur ou autre lieu de perdition.

La croissance est le développement, à partir d’un spermatozoïde et d’un ovule qui se font des bisous à l’obtention de ce que l’on est à l’âge adulte (on pourrait même parler de croissance jusqu’à la mort, mais on préfère le négatif en parlant de vieillissement). Bref, ce n’est pas juste le squelette… C’est TOUT ce que vous êtes : Squelette, muscles, tendons, ligaments, cerveau, organes internes, chevelure, système vasculaire, système nerveux, système hormonale, etc. TOUT.

Donc lorsque l’on parle de croissance, il faut nécessairement être plus précis, sauf à parler pour ne rien dire.

Ces différents systèmes et organes ne se développent pas en même temps et de la même manière.

Après la naissance (c’est ce qui nous intéresse le plus), l’ensemble de l’organisme croit de manière conjointe… mais pas homogène. Il y a des dominantes (en fonction de l’âge). Par exemple le système nerveux va croître très rapidement au départ puis moins en fin de croissance. Inversement, le système musculo-squelettique va croître « relativement lentement » au départ pour produire des poussées vers la fin de l’adolescence.

Même chose pour le système hormonal : il n’est pas régulier (sinon nous n’aurions pas une telle différenciation Homme/femme à l’adolescence).

Etc, etc, etc.

Bref, lorsque l’on parle de croissance, parlons de quel système et à quel moment.

Pour plus de simplicité et puisque c’est certainement ce à quoi pense la majorité des « attention à la croissance », nous parlerons par la suite de la croissance du squelette et de ses éléments moteurs.

La croissance normale, c’est quoi ?

La croissance normale nécessite, comme écrit plus haut, d’établir quelle croissance et à quel moment.

Mais pour faire général, la normalité est définie par l’atteinte de statistiques (par exemple finir entre 1m63 et 1m87 pour les hommes) et avoir des étapes définies rentrant dans des fourchettes d’âge.

Avoir un retard (ou une avance de croissance) n’est donc qu’une information ponctuelle qui sert d’indicateur au corps médical pour savoir s’il y a des choses à vérifier (si d’autres indicateurs sont présents).

Pourquoi ?

Parce que les variations de croissance (par rapport aux statistiques) peuvent-être dues à des problèmes de santé. Être en retard de croissance osseuse par exemple, n’est pas un soucis. Par contre, cela peut-être révélateur de problèmes autres (maladies chromosomiques, dénutrition, obésité, etc.).

Prenons quelques exemples :

  • L’obésité. C’est un des facteurs pouvant influencer la croissance osseuse… en l’avançant. L’enfant grandit plus vite, mais pas plus (il atteint simplement sa taille adulte plus rapidement).
  • Inversement, la carence en vitamine D/Calcium va ralentir la croissance osseuse. La résolution de cette carence rétablit la croissance « normale ».

C’est 2 exemples ne sont pas anodins : en dehors des facteurs génétiques, la quasi totalité des avances/retards de croissance se résolvent en remédiant à la cause (la fin de croissance sera alors simplement plus tard s’il n’y a pas de rattrapage). C’est rarement définitif.

Parmi les causes pouvant communément produire un défaut de croissance (toutes croissances confondues), on retrouve :

  • Maladies digestives
  • Cardiopathies
  • Maladies rénales
  • Maladies métaboliques, problèmes ORL à répétition, cancer…
  • Maladies osseuses
  • Retard de croissance intra-utérin (90% d’entre eux rattrapent le retard après la naissance)
  • Anomalies chromosomiques
  • Maladies hormonales (incluant les perturbateurs endocriniens)
  • Dénutrition (ou malnutrition avec l’obésité)

Le rattrapage de la normalité est souvent résolu par l’élimination de l’une de ces causes (pas toujours bien évidemment, ça serait trop facile).

Ainsi, si le bon sens populaire faire dire que ceci ou cela est dangereux (en sport)… posez-vous la question de s’il a été pris en compte ce qui précède (présence ou non) pour dire si telle pratique est directement la cause ou  non d’un problème

Retard de croissance, hormones et sport

Les hormones jouent un énorme rôle dans la croissance, une évidence pour tout le monde, non ?

Le corps médical parle de pratique sportive intensive comme responsable d’un retard de croissance du squelette. Erreur de vocabulaire : ils parlent de pratique extensive.

Un volume d’entraînement trop important chez l’enfant va induire une diminution de certaines hormones (variable selon le sexe et l’âge). Trop d’entraînement, une nutrition souvent sans rapport avec ce volume, une récupération faible (forcément puisqu’il y a plus de temps passé à l’entraînement) et le corps n’a pas le temps et les moyens de produire toutes les hormones. Il fait des choix d’urgence, notamment quand on sait que la croissance demande elle-même énormément d’énergie.

Le corps médical annonce un chiffre de 10 heures hebdomadaires au dessus duquel un risque existe (et non automatique) en fonction du type de sport pratiqué, de l’hygiène de vie et des facteurs génétiques de chacun. Ces 10 heures montrent bien qu’il ne s’agit pas d’une notion de sport intensif mais de volume sportif.

Ce retard n’est pas irréversible : il suffit de baisser le volume d’entraînement pour que la croissance reprenne son cours normal (à partir de là où elle en était). Donc arrêtons de nous catastropher pour un oui ou pour un non : la croissance n’est pas une compétition où il faut arriver le 1er.

Croissance, sport et chocs répétés

L’enfant a généralement, jusqu’à l’adolescence surtout, une croissance disparate qui produit des effets étonnants sur le squelette et les systèmes de fixations.

Ainsi, si l’os n’est pas totalement densifié, son périoste (sa peau) est plus dur, réduisant les risques de facture grave. De même, les tendons sont généralement exempts de lésions, alors que les ligaments sont plus souples (trop parfois). Aux extrémités osseuses, le cartilage n’est pas encore mature.

Ceci induit que si les tendinopathies sont rares, de même que les entorses graves, les micro-arrachements aux insertions des tendons et les micro-traumatismes aux articulations sont à surveiller comme le lait sur le feu.

En effet, lors d’efforts répétés et violent, certains points sont particulièrement sujets à des tensions violentes du tendon sur son insertion. On parle beaucoup d’Osgood-Schlatter… mais ce n’est qu’une des nombreuses possibilités. Et à chaque fois on observe une forte concordance (lorsque le sport est en cause) avec des efforts nombreux et à impact (course à pied, tennis, Rugby, foot, handball, Volley notamment).

Rarement l’excès de tension épisodique (comme dans les sports de force) est en cause.

Tous ces soucis sont directement liés aux causes suivantes, concomitantes :

  • Chocs et torsions répétés de nombreuses fois (impulsion, propulsion, torsion) souvent avec une mauvaise technique. On parle ici de répétitions très nombreuses (plusieurs heures par semaine, comme en course à pied). C’est chocs et torsions répétées provoquent des micro-arrachements et des calcifications qui, si le repos n’est pas suffisant, vont se cumuler pour produire de gros dégâts.
  • Problèmes anatomiques (varus ou valgus, tendons courts…)
  • Période de croissance propice

Bien souvent (si la douleur est prise en compte rapidement par l’entourage), il n’y a pas de suite (repos sportif, parfois rééducation). Par contre si on rabâche encore la débilité « c’est pas grave, c’est la croissance », là oui, ça peut avoir un gros impact sur la suite des événements.

Mais en fait, ici il ne s’agit pas vraiment de problème de croissance, mais de traumatismes répétés impactant directement l’intégrité de l’enfant (et du futur adulte).

La croissance, le sport et les déformations

Les déformations, telle que la scoliose, ne sont jamais mis en relation avec la pratique sportif dans un lien de cause à effet. Par contre, le sport peut en être le révélateur (des douleurs qui n’apparaissent pas à l’état hypotonique des sédentaires).

Ce qui produit ces déformations, en dehors des problèmes congénitaux, sont des stations prolongées avec ou sans tension (charge). Être assis toute la journée à une chaise, les coudes sur le pupitre d’écolier est directement en lien avec des déformations de la colonne. Même chose pour les ports de cartable (lourd ou pas, peu importe) toute la journée d’une manière souvent… aléatoire (sur une seule épaule, ou le buste en permanence tourné d’un côté pour discuter avec les potes…).

La croissance, le sport et le bon sens populaire

Bien souvent, les peurs qui viennent de l’imaginaire populaire sont d’origine sensée, mais totalement dévoyées par un manque d’information.

Le tassement.

Et oui, une charge sur le dos trop jeune et on se tasse (c’est bien connu, on est forcément petit si on fait du squat). Le tassement est un terme médical en lien avec une fracture de la zone antérieure des vertèbres…

On voit le manque d’information pour l’utilisation du terme. Maintenant voyons la partie cohérente.

Lorsque l’on contracte nos muscles du dos, lorsque l’on porte une charge sur le dos (ou à bout de bras), notre colonne amortie (en partie) cette charge en compressant les disques intervertébraux. Cela permet de réduire les chocs potentiels entre 2 vertèbres, mais également d’augmenter la force de maintien de la colonne.

Quand vous lâchez la charge (ou que vous relâchez le dos durant la nuit en dormant), les disques ne sont plus comprimés, ils retrouvent leurs tailles normales. Ils se regorgent (réhydratation) pour se nourrir.

Plus vous maintenez la posture ou la charge (notion de temps), plus la récupération nécessaire sera importante. On en revient à la notion initiale de volume d’entraînement.

Il existe des solutions pour améliorer (voir accélérer) cette récupération : les étirements, les suspensions… mais aussi l’échauffement.

Si vous n’avez pas une récupération optimale, si vous n’utilisez pas les solutions pour mieux récupérer et si en plus le volume d’entraînement est important… vous partez au devant de gros soucis. Mais sans lien avec la croissance, juste en lien avec des erreurs sportives.

Ces problèmes surviennent aussi avec le stress (augmentation de la tension musculaire de manière permanente)… Donc que vous ayez 10k ou 100k sur le dos, voyez votre récupération (et technique bien sûr) avant d’avoir peur de la charge.

Le Cartilage.

Ah là, on touche un sujet brûlant pour certains… Bin oui, le cartilage de l’enfant n’est pas encore totalement densifié (cartilage de conjugaison)… donc fragile. Comme si par miracle, à une date fixée à l’avance, le cartilage de conjugaison disparaît pour devenir un cartilage définitif…

La croissance du cartilage (et sa nutrition) ne se fait QUE par la création de tension (comme une éponge que l’on mouille : on la presse sous l’eau et en la relâchant, elle s’en gorge). Un cartilage ayant subit des compressions régulières (pratique sportive) est plus dense et en bien meilleure santé qu’un cartilage de fanas de la Playstation 2 et addicts de la geek attitude.

Mieux, l’augmentation progressive de la tension permet une augmentation de la densité du cartilage. ainsi, ce n’est pas en faisant 100 répétitions d’un même geste sans intensité que l’on améliore cela. Certes au départ il y aura adaptation, comme pour toute nouveauté. Mais il faudra augmenter de manière progressive et maîtrisée la tension musculaire induite.

Donc quand on voit un enfant faire un squat à une charge… si ce n’est pas lors d’une séance d’essai (grosse connerie à ce moment-là), peut-être y a-t-il eu augmentation progressive de la tension musculaire et donc qu’il est capable ET de maîtriser la charge ET que son système cartilagineux est capable d’utiliser cette tension pour lui-même progresser.

Attention, cela ne veut pas dire qu’il faille faire n’importe quoi : des chocs répétés et/ou trop intenses (violents) peuvent avoir de graves conséquences. Ainsi, avant de proposer un jump (basket, volley, rebond de jump box) où le genou pourra devoir amortir jusqu’à 8 fois le poids de corps, on commencera par exemple par utiliser des charges linéaires, la course à pied (2.5 x le pdc seulement). La progressivité avant tout.

L’apprentissage chez l’enfant

L’enfant n’est pas un adulte miniature. On n’entraîne pas l’enfant comme un adulte en réduisant simplement le volume et l’intensité.

Mais l’enfant n’est pas non plus en porcelaine. Cela ne signifie pas qu’il ne puisse pas faire les mêmes exercices que l’adulte. Il a besoin de bouger, de se dépasser, de s’amuser en permanence pour maintenir son attention et son intérêt le plus longtemps possible.

Autre exemple : cela signifie qu’à un certain âge, on va éviter (et non interdire) des efforts d’endurance maximaux (et non la force ou la vitesse) puisque l’enfant atteint très tôt sa FCmax très rapidement (par contre il récupère bien plus vite)

Cela signifie que l’on doive prendre en compte ses impératifs à lui (et non ceux de l’entraîneur qui a besoin de tout calculer pour connaître la charge d’entraînement, la fréquence des séances, le prévisionnel de progression…).

Ainsi, depuis le plus jeune âge jusqu’à la fin de l’adolescence, on suivra la pratique sportive selon cette chronologie (il en existe probablement d’autres aussi intéressantes : Jouer – jouer à s’entraîner – apprendre à s’entraîner – s’entraîner.

Mais dans tous les cas de figure, on va rechercher à faire progresser l’enfant (et non simplement lui laisser faire ce qu’il veut comme c’est la mode dans la vie courante depuis quelques décennies).

Pour jouer, on va lui proposer des jeux. S’ils ne les acceptent pas, on peut trouver des palliatifs ou les présenter de manière différente.

Lorsqu’il joue bien, on va lui demander de mieux faire ses jeux (jouer à s’entraîner). Puis on va codifier ces jeux (apprendre à s’entraîner) pour enfin d’entraîner.

Si dans un premier temps il n’y a pas de charge, ni de chocs autres que ceux de la vie courante, on va produire une tension musculaire (roulades, accroupissements, redressement, reptation…) = jouer, on va apprendre à trouver des postures (puis à les tenir) = jouer à s’entraîner.

Ensuite, on va utiliser tout cela pour complexifier (apprentissage nerveux) puis intensifier (renforcement musculaire) = apprendre à s’entraîner

Puis on va encore augmenter l’intensité/volume (s’entraîner).

La dose de chaque portion dépendra de la rapidité de progression, de la capacité de chaque enfant (ils ne sont pas tous pareils), de la période de croissance (réduction du volume d’entraînement sur les pics de croissance par exemple). Ainsi, là où un enfant sera attentif 3 minutes sur un exercice, un autre le sera 10 minutes. L’entraîneur ne va pas imposer un volume à tous : il s’adapte à chacun (ou au plus faible du groupe). C’est notamment en cela que l’enfant n’est pas un adulte miniature… et non en interdisant des jeux, des exercices, des charges.

Ainsi pitié, arrêtez de dire, en voyant un enfant porter une charge : « Là c’est trop » (par rapport à quoi, à qui?), « on sait tous que » (on est un con, le pote du voisin qui a fait 6 mois de médecine aussi), « c’est évident que » (selon l’angle de vue… on peut voir des choses étonnamment contradictoires…).

A la rigueur, si vous avez un doute (et puisque vous avez du temps à perdre à critique avec des lieux communs), utilisez ce temps pur contacter l’entraîneur et lui demander la progression de l’enfant, où il en est, ses points forts et ses points faibles. Là oui, vous aurez toutes les données et vous pourrez porter un jugement si c’est nécessaire.

Et entre temps, Fuck your Genetic, Train Hard !

Coach

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